C’est souvent dans la deuxième quinzaine du mois d’août ou la première semaine du mois de septembre que les magazines d’actualité de la presse hebdomadaire titrent sur des reconversions étonnantes, des changements de vie radicaux. Alors que les prémices de la rentrée de septembre pointent et que s’annoncent la fin des grandes vacances, les titres des hebdomadaires font rêver : « Changer

de vie, ils l’ont osé ! »« Reconversions gagnantes ! », etc.

On y devine souvent, au détour des lectures de ces témoignages, des parcours différents allant du cadre de banque devenu sommelier au visiteur médical devenu cordonnier en passant par l’infirmier devenu sophrologue ou le Directeur de succursale devenu gérant de gîtes, etc. Tous ont néanmoins un point commun. A un moment de leur carrière, ces personnes se sont retrouvées confrontées à une forme d’épuisement professionnel trouvant ses racines dans différents déterminants : un ras-le-bol d’une vie trop stressante, un décalage trop important entre leurs valeurs et leur travail, un sentiment de manque de reconnaissance, des injonctions paradoxales, une perte de sens au travail, etc.

“La vie professionnelle offre son lot de bonnes raisons de s’épuiser à la tâche.”

Les organisations vivent des révolutions et des évolutions telles que leurs demandes vis-à-vis de leurs salariés s’accentuent pour rester performantes et à la pointe : capacités d’analyse, réactivité, créativité, mobilisation de ressources, leadership, management de projets ou d’équipes, mobilité géographique ou fonctionnelle, etc.

De l’autre côté, des bipèdes. Avec leur Histoire personnelle et familiale, leur Histoire personnelle au travail, leur positionnement, leur rapport à l’autre, leur besoin d’autonomie, de sécurité, de reconnaissance, leur éthique, leur idéal et convictions, leur besoin de réalisation, etc.

Et c’est donc là, à la frontière de cette rencontre, qu’est susceptible de naître l’épuisement professionnel. Même si les pratiques managériales évoluent pour devenir de moins en moins pyramidales et plus flexibles (entreprises libérées, management bienveillant et collaboratif, etc.), les entreprises restent néanmoins le plus souvent démunies devant la souffrance au travail.

“Le babyfoot et la soirée apéro du jeudi soir ne suffisent plus à créer du sens et à protéger des effets du stress.”

Alors quelles solutions pour les entreprises ? Laisser le burnout s’installer ? Au risque de désorganiser profondément l’entreprise, d’impacter les équipes en place, la performance voire même l’image de marque ? Quelles solutions pour les salariés ? S’enfoncer dans la dépression ? Tout plaquer pour changer de vie au risque de mettre son avenir en péril ?

Au-delà de la prise de conscience d’une problématique sociétale, se pose la question des moyens que les salariés peuvent développer pour s’adapter aux évolutions du travail rendues nécessaires par l’accélération des échanges et les nouvelles technologies et pour éviter ainsi épuisement et burnout.

Comme l’origine du burnout est multiple et que la perception de ses déterminants est divergente (voir le mémoire que j’ai contribué à rédiger dans le cadre de mon MBA à Dauphine sur ce sujet), il est une question à laquelle il faut tenter de répondre pour savoir sur quoi agir : y’ a-t-il un coupable ? L’entreprise est-elle coupable de confronter ses salariés à ces situations insupportables ? Le travail en lui-même est-il responsable dans les contraintes qu’il exige ? Ou le salarié est-il coupable d’être fragile ? pas assez résistant ?

“Y a-t-il un coupable ?”

Ce que m’a permis d’entrevoir l’étude du burnout lors de la rédaction de ce mémoire, c’est qu’il est plus approprié de parler de possibles déterminants externes et d’éventuelles prédispositions internes, propres à chaque individu. La question n’est donc pas celle de la culpabilité – « Qui est coupable ? » – mais « Qu’est-ce qui se joue, qu’est-ce qui se produit, à cette frontière de l’activité professionnelle et des représentations internes de la personne ? »

Évoquer les prédispositions internes de la personne, c’est souligner l’existence des « conditionnements » intégrés par la personne depuis sa naissance : son éducation et son histoire desquels découlent son système de valeurs, ses croyances, ses idéaux… et ses représentations du travail. C’est ainsi que nombre de personnes peuvent avoir le sentiment d’avoir « raté » leur vie, arrivées à un certain âge, enfermées dans des schémas qui les ont poussés à suivre les chemins tracés par les générations précédentes. C’est aussi ce qui peut expliquer ces changements de vie radicaux mis en avant par la presse magazine… Sauf à avoir déjà pris le contrepied dudit schéma pour devenir « pharmacien, parce que papa ne l’était pas », comme chantait Jacques Brel.

Peut-on donc rendre coupable une personne dans son être entier, salariée ou non, d’avoir été soumise à une éducation ou à des systèmes de valeurs qui l’ont forgée ? Ma réponse est non.

Et la vie professionnelle ? Peut-on rendre coupables les entreprises de soumettre les salariés à des conditions de travail telles que les salariés en sont affectés ? Question plus subtile. Au regard de la loi (article L. 4121-1 du Code du Travail), l’employeur doit prendre toutes les mesures pour veiller à la santé physique et mentale de ses salariés. La jurisprudence tend de plus en plus à s’assurer que l’employeur respecte son obligation de prévention. Hormis certains cas notoires et connus qui défrayent malheureusement la chronique lorsque le salarié, poussé à bout, commet l’irréparable en mettant fin à ses jours, il est parfois plus difficile de dégager des responsabilités de l’entreprise. Mon expérience de conseiller prud’homal en section encadrement pendant une petite dizaine d’années m’a montré qu’il était finalement rare de pouvoir juger de façon avérée que l’entreprise avait failli à ses obligations de sécurité.

De façon paritaire, mes collègues conseillers et moi constations plutôt que le contentieux trouvait son origine dans une dissonance entre les attentes et capacités du salarié et les attentes de l’entreprise. Et que de là, naissait un beau gâchis pouvant coûter cher à l’une ou l’autre des parties, voire aux deux.

“Sur quoi agir pour réparer ce lien distendu ou qui est sur le point de se rompre ?”

Donc, pas de coupable – sauf cas graves avérés de dysfonctionnements dans les entreprises – si ce n’est cette dissonance entre la (ou les) situation(s) de travail et la personne au travail avec son Histoire et son éducation. Alors… sur quoi agir pour réparer ce lien distendu ou qui est sur le point de se rompre ?

La prévention du burnout – lorsque le salarié commence à montrer les signes avant-coureurs d’un épuisement – devrait donner lieu à une prise en compte globale de la personne en cherchant à comprendre comment le passé éclaire le présent. Une sorte d’anamnèse au cours de laquelle devraient être mis en lumière comment la personne s’est construite, sur quelles valeurs et quelles croyances. Avec quels écueils, également, quelles difficultés ou faiblesses qui l’empêchent aujourd’hui d’avancer. Et avec quels atouts, quels étayages sur lesquels s’appuyer pour ressortir plus fort et plus robuste des épreuves traversées.

Sans cette introspection personnelle, l’épuisement gagnera du terrain et fera son nid du burnout installé duquel il est si difficile de se remettre.

 

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